« On a fait cinq jours dans le désert, cinq jours sans eau, sans manger. Dans le désert, il y a le soleil pendant le jour comme il y en a pendant la nuit. C’est comme si tu étais en train de mourir sans savoir pourquoi, et qu’enfin cette mort n’arrivait pas. Alors à ce moment-là tu penses à Dieu, tu penses que c’est lui seul qui garde les migrants. »

Iréne nous a raconté une partie de son parcours migratoire vers le Maroc. Elle a parlé des difficultés vécues au milieu du désert et de l’incessante souffrance que les migrants vivent tous les jours.

« Ma vie au Maroc était difficile. Ma famille vit dans une situation de pauvreté compliquée et je n’ai jamais réussi à trouver un boulot pour les aider. Je n’ai même pas réussi à poursuivre mes études, puisque les conditions ne le permettaient pas. J’ai beaucoup souffert pour arriver en Espagne, j’ai été maltraité par la police à Melilla, j’ai vécu dans la rue, je faisais les poubelles pour manger et je n’avais aucun accès aux soins. Pendant le voyage, j’ai vu deux amis mourir sous mes yeux. Maintenant que je suis là, je vis dans la peur constante d’être arrêté par la police parceque que je suis « un sans-papiers ». Je veux être régularisé, je veux trouver un travail et aider ma famille au Maroc. »

Hassan a partagé avec nous son voyage vers l’Europe et nous a raconté les moments difficiles vécus dans la ville de Melilla.

« Je viens de la Côte d’Ivoire. Je suis venue au Maroc par la route. A mon pays, je faisais du commerce et de la coiffure, mais ça n’était pas suffisant. J’ai décidé de partir à l’aventure pour avoir une vie meilleure. La période dans laquelle je suis partie coïncidait avec la guerre. On est passé par le Mali en autocar, et quand on est arrivé en Mauritanie, on a fini le trajet en camion. Une fois arrivée à Casa j’ai commencé à travailler chez une dame marocaine, mais c’était difficile. Quand elle était de bonne humeur ça allait bien, mais quand « ça chiait dans sa tête » ça allait mal. Elle m’autorisait à prendre une seule douche par semaine au hammam public, ce n’était pas possible, c’était invivable. Pour ces raisons, j’ai décidé de partir vers Khouribga. Ici on tend la main, car il n’y a pas de travail. Je me sens obligée de tendre la main. »

Adjoua, Ivoirienne

« Jai fait six pays pour arriver au Maroc et dans chaque pays, c’était lenfer. La chaleur dans le désert était invivable, il y avait soixante degrés et il y avait des personnes qui sont mortes à cause de la faim et de la soif, du climat et des piqûres de scorpion. Nous nous sommes perdus en plein désert, car on ne connaissait pas la route. Même leau quon avait avec nous était imbuvable, tellement elle était chaude. Jai été tabassé jusqu’à avoir les os cassés sur le chemin. »

Alain, Congolais, Tanger, Mars 2021

« Quand je suis arrivé en Espagne, j’ai beaucoup souffert. C’était la première fois que j’étais arrêté et emprisonné dans une chambre. J’avais peur des espaces fermés. Il n’y avait personne qui me comprenait, personne qui m’aidait. Quand je demandais de l’aide, ils me répondaient “shhhhhhht”. C’était la première fois que je me sentais prisonnier, la première fois que je me sentais avoir commis un crime. » 

Ayoub avait 17 ans quand il a émigré de manière irrégulière vers l’Espagne. La souffrance et les difficultés vécues pendant son parcours lui ont fait regretter d’être parti d’une telle façon.

Aghbala, Mai 2021

Hélène raconte les raisons pour lesquelles elle a quitté son pays, les souffrances vécues pendant son parcours migratoire du Cameroun au Maroc, et les difficultés rencontrées.

“Je m’appelle Hélène, je viens du Cameroun et je suis mère de trois enfants qui sont restés là-bas. J’ai quitté le Cameroun parce que je voulais fuir mon mari qui me battait, me menaçait et ne me permettait plus de voir mes enfants. Un jour une amie d’enfance m’a proposé de quitter le Cameroun, parce que tant que je restais là-bas, il aura continué à me nuire. Elle m’a proposé de prendre la route, comme elle avait fait pour rejoindre l’Espagne. C’était là où j’ai commencé à faire des économies et à me renseigner sur le voyage. Le voyage était mon seul espoir, car même si je restais chez la famille il m’aurait trouvée et m’aurait tuée. Un jour, après avoir mis 50.000 francs de côté, j’ai décidé de partir vers l’inconnu, sans vraiment savoir où j’allais. Une fois arrivée au Nigéria j’ai trouvé d’autres compatriotes. J’y ai trouvé des femmes qui se débrouillaient aussi comme moi et j’ai commencé à travailler avec elles. Selon ce que racontaient les gens qu’en Algérie, j’aurais pu travailler et gagner plus. J’ai donc quitté le Nigéria et j’ai pris la route vers l’Algérie. Une fois arrivée au niveau du Niger, on a pris des motos qui nous ont amené dans le désert pendant une distance de cinq ou six kilomètres. Une fois dans le désert, il y avait des camions qui nous ont amenés à Tamanrasset, la première ville algérienne que nous avons traversé. Quand nous sommes arrivés là-bas, ils nous ont amené dans une petite chambre, on était plus d’une trentaine de femmes, enfants et hommes. Le lendemain dans la nuit la police est venue et elle nous a tous emmené à Assamaka, une petite ville située dans le désert au nord- ouest du Niger dans la région d’Agadez, près de la frontière avec l’Algérie, dans un camp de réfugié. Ils nous demandaient de signer la déportation pour rentrer dans nos pays, et si on refusait on devait rester dans le camp. Heureusement, le monsieur qui nous a amené jusqu’en Algérie, en connaissant mon problème m’avait promis de m’aider. Il nous a envoyé des personnes avec une voiture pour nous accompagner chez lui à Tamanrasset, en Algérie. Je suis restée là-bas pour deux mois et après on devait prendre la route pour Oran, et ce n’était pas facile du tout. On a fait le parcours à pied, car il y avait beaucoup de contrôle. Là-bas si les policiers t’attrapent, c’est direction Assamaka, c’est de la bastonnade, c’était vraiment horrible. Nous étions cachés tout le temps, dans l’impossibilité de sortir des maisons. Je ne pouvais pas rester là-bas, donc j’ai décidé de prendre la route à nouveau, avec l’aide de ma tante qui avait payé un monsieur pour qu’il m’accompagne jusqu’au Maroc. Une fois j’ai rejoint le convoi, nous avons pris le train, et puis nous avons fait deux jours de marche dans la forêt, de jour comme de nuit. Et quand nous voyions la police, on se cachait. C’est comme cela que nous sommes arrivés à Oujda. Après, j’ai directement pris le bus pour me rendre chez ma tante à Marrakech. Dans sa maison, il y avait plusieurs personnes. Elle m’avait présenté à une de ses filles qui avait un salon de coiffure et qui m’a embauché pour travailler avec elle. J’ai donc réussi à louer une chambre. Malheureusement, à cause de la crise sanitaire ma patronne n’avait plus de quoi nous payer, du coup j’ai dû rentrer à la maison avec ma tante. J’ai trop mal, parce que je suis ici et je ne sais pas comment m’en sortir. Mes fils me manquent beaucoup, je voudrais au moins entendre leur voix. Je n’ai pas de papier, je n’ai absolument rien.”